Séance 4. Défendre les droits des enfants

Melancholia

… Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ?
Ces doux êtres pensifs que la fièvre maigrit ?
Ces filles de huit ans qu’on voit cheminer seules ?
Ils s’en vont travailler quinze heures sous des meules
Ils vont, de l’aube au soir, faire éternellement
Dans la même prison le même mouvement.
Accroupis sous les dents d’une machine sombre,
Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l’ombre,
Innocents dans un bagne, anges dans un enfer,
Ils travaillent. Tout est d’airain, tout est de fer.
Jamais on ne s’arrête et jamais on ne joue.
Aussi quelle pâleur ! la cendre est sur leur joue.
Il fait à peine jour, ils sont déjà bien las.
Ils ne comprennent rien à leur destin, hélas !
Ils semblent dire à Dieu : – Petits comme nous sommes,
Notre père, voyez ce que nous font les hommes !

« Melancholia » (extrait), Les Contemplations, Victor Hugo, 1856

Témoignage d’une fillette de 11 ans

Je travaille au fond de la mine depuis trois ans pour le compte de mon père. Il me faut descendre à la fosse à trois heures du matin et je remonte à une ou deux heures de l’après-midi. Je me couche à six heures du soir pour être capable de recommencer le lendemain. A l’endroit de la fosse où je travaille, le gisement est en pente raide. Avec mon fardeau, j’ai quatre pentes ou échelles à remonter, avant d’arriver à la galerie principale de la mine. Mon travail c’est de remplir quatre à cinq wagonnets de deux cents kilos chacun. J’ai vingt voyages à faire pour remplir les cinq wagonnets. Quand je n’y arrive pas, je reçois une raclée, je suis bien contente quand le travail est fini, parce que ça m’éreinte complètement.

Enquête de la commission des Mines, « Les Débuts de l’industrie » (extrait), 1842

Prôner le droit à l’éducation

Centenaire_de_VoltairePartout où il y a un champ, partout où il y a un esprit, qu’il y ait un livre ! Pas une commune sans une école ! Pas une ville sans un collège ! Pas un chef-lieu sans une faculté ! […] J’ai dit quel était le but à atteindre, j’ajoute qu’il faut que la France entière présente un vaste ensemble, ou, pour mieux dire, un vaste réseau d’atelier intellectuels : gymnases, lycées, collèges, bibliothèques, échauffant partout les vocations, éveillant partout les aptitudes. En un mot, je veux que l’échelle de la science soit fermement dressée par les mains de l’État, posée dans l’ombre des masses les plus sombres et les plus obscures et aboutisse à la lumière ; je veux qu’il n’y ait aucune solution de continuité et que le cœur du peuple soit mis en communication avec le cerveau de la France. Voilà comment je comprends l’instruction. Je le répète, c’est le but auquel il faut tendre.

Victor Hugo, extrait du discours à l’Assemblée lors de la discussion du projet de loi sur l’enseignement du 15 janvier 1850

Le droit de l’enfant, c’est d’être un homme : ce qui fait l’homme, c’est la lumière; ce qui fait la lumière, c’est l’instruction.

Victor Hugo

Discours aux enfants

Voici un extrait d’un discours de Victor Hugo prononcé lors d’un repas de Noël destiné aux enfants pauvres, sur l’île de Guernesey, où il s’était exilé.

Je reviens à nos enfants. C’est faire aussi un acte de délivrance que d’assister l’enfance. Dans l’assainissement et dans l’éducation, il y a de la libération. Fortifions ce pauvre petit corps souffrant ; développons cette douce intelligence naissante ; que faisonsnous ? Nous affranchissons de la maladie le corps et de l’ignorance l’esprit. L’idée du Dîner des enfants pauvres a été partout bien accueillie. L’accord s’est fait tout de suite sur cette institution de fraternité. Pourquoi ? c’est qu’elle est conforme, pour les chrétiens, à l’esprit de l’évangile, et, pour les démocrates, à l’esprit de la révolution.

En attendant mieux. Car secourir les pauvres par l’assistance, ce n’est qu’un palliatif. Le vrai secours aux misérables, c’est l’abolition de la misère.

Nous y arriverons.

Aidons le progrès par l’assistance à l’enfance. Assistons l’enfant par tous les moyens, par la bonne nourriture et par le bon enseignement. L’assistance à l’enfance doit être, dans nos temps troublés, une de nos principales préoccupations. L’enfant doit être notre souci. Et savezvous pourquoi ? Savezvous son vrai nom ? L’enfant s’appelle l’avenir.

Exerçons la sainte paternité du présent sur l’avenir. Ce que nous aurons fait pour l’enfance, l’avenir le rendra au centuple. Ce jeune esprit, l’enfant, est le champ de la moisson future. Il contient la société nouvelle. Ensemençons cet esprit, mettonsy la justice ; mettonsy la joie.

En élevant l’enfant, nous élevons l’avenir. Élever, mot profond ! En améliorant cette petite âme, nous faisons l’éducation de l’inconnu. Si l’enfant a la santé, l’avenir se portera bien ; si l’enfant est honnête, l’avenir sera bon. Éclairons et enseignons cette enfance qui est sous nos yeux, le vingtième siècle rayonnera. Le flambeau dans l’enfant, c’est le soleil dans l’avenir.

Victor Hugo, Actes et paroles, Pendant l’exil, 1869

ampouleLe sais-tu ?

Les lois Jules Ferry sont une série de lois sur l’école primaire votées en 1881-1882 sous la Troisième République, qui rendent l’école gratuite (1881), l’instruction obligatoire et l’enseignement public laïque (1882).